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Lyon et sa région dans la grande guerre

Mémoire

(Texte édité en brochure parue sous le titre « Lyon 14-18 » et sous le double timbre de l’ONAC du Rhône et du Musée d’Histoire militaire de Lyon et sa région. Novembre 2008)

A l’occasion du 90e anniversaire de l’Armistice de 1918, le Musée d’Histoire Militaire de Lyon a souhaité faire revivre la région lyonnaise pendant les quatre longues années de guerre.

Depuis le XIXème siècle, cette région est un bassin industriel et chimique prépondérant pour l’économie française. Dès le début du conflit, elle voit son rôle se renforcer grâce à sa position stratégique vis-à-vis du Front. Elle conforte son économie de guerre et accueille de nombreuses entreprises qui fuient les zones de combat du Nord et de l’Est.

Comme au Front, l’Arrière, avec une majuscule, doit tenir coûte que coûte. Tout au long de la guerre, en effet, les appels au courage et à l’esprit de sacrifice se multiplient. Dès le 7 août 1914, une semaine à peine après l’ordre de mobilisation générale, le président du Conseil, René Viviani, lance une vibrante proclamation : « Debout, femmes françaises, jeunes enfants, filles et fils de la Patrie. Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur le champ de bataille... » C’est l’annonce d’une guerre totale.

Au gouvernement et dans les grands états-majors comme sous la mitraille, on avait coutume de dire, en pensant à tous ceux qui, loin du Front, menaient la bataille de la production de guerre et soutenaient le moral de la Nation : « pourvu qu’ils tiennent ! »

Comment la population vit-elle ce combat de l’Arrière et comment cette mobilisation patriotique et industrielle s’est-elle structurée dans Lyon et sa région ?

La mobilisation générale d’août 1914, première grande bataille de la guerre

Depuis l’attentat de Sarajevo (28 juin 1914) le processus de déclenchement de la Première Guerre mondiale est engagé. Le 1er août 1914, la France décrète à son tour la mobilisation générale. Toutes les cloches sonnent le tocsin. Un mot devenu étrange depuis que les sirènes annoncent désormais les catastrophes.

Dans toutes les communes, les affiches de mobilisation imprimées dès le temps de paix sont aussitôt placardées. Il n’y a plus qu’à inscrire à la main la date du lendemain, 2 août, qui devient le premier jour du mécanisme inexorable et minutieusement détaillé de mobilisation de toutes les ressources humaines et matérielles de la Nation.

Quittant leurs familles, leurs champs, leurs ateliers, leurs échoppes, dans la crainte et l’excitation de la grande aventure qui s’ouvre à eux mais aussi dans la perspective d’une guerre courte et avec la certitude de revenir vainqueurs, les mobilisés rejoignent leurs unités selon les prescriptions de leur fascicule individuel de mobilisation.

En application du Plan XVII , adopté l’année précédente, les six départements de la XIVe région militaire de Lyon (Drôme, Isère, Hautes-Alpes, Rhône, Savoie, Haute-Savoie) mettent sur pied quelque 100 000 hommes dans la première quinzaine d’août, principalement et en toute priorité le XIVe corps d’armée (27e et 28e divisions d’infanterie) dont les 44 000 hommes et tous ses matériels sont acheminés en quelques jours par 80 trains et 4 000 wagons dans la région d’Epinal pour s’intégrer à la 1ère Armée (général Dubail).

Cette mobilisation, la première de cette nature et de cette ampleur, connaît une totale réussite dans l’enthousiasme quasi général de la population. C’est la première bataille de la guerre.

De l’économie de paix à la production de guerre

Mais après les graves revers de la bataille aux frontières et la retraite précipitée qui amène en trois semaines la zone des combats aux portes de Paris, après la miraculeuse victoire de la Marne qui entraîne la stabilisation quasi définitive du Front, il faut déchanter et comprendre que le conflit sera long et meurtrier.

Dès la fin de 1914, c’est une guerre économique et industrielle, impitoyable et dévoreuse d’énergie. Après l’invasion de la Lorraine et du nord de la France, la région lyonnaise est, avec l’Ile de France, l’une des deux principales forces de production de guerre.

Armements et munitions de tous calibres

L’artillerie devenant la première force de rupture, il faut dans l’urgence accélérer les productions d’obus, surtout du fameux canon de 75 de campagne, en transformant de nombreuses usines et installations à vocation métallurgique ou mécanique. Aux arsenaux militaires du temps de paix, comme à Lyon celui du sud de Perrache (sur l’emplacement de l’actuelle caserne de gendarmerie Général Delfosse : 5 000 obus/jour), viennent s’ajouter de nombreux établissements et ateliers, tels la halle Tony Garnier (20 000 obus/ jour) et en périphérie lyonnaise, les usines Berliet de Vénissieux (6 000 obus/jour).

Les principaux centres de fabrications de guerre deviennent le Creusot, les bassins de Saint-Etienne et de Roanne, où l’arsenal n’est cependant construit qu’à la fin de 1917 pour produire des obus de 75 et de 105 et la vallée du Gier, notamment Saint-Chamond et son débouché à Givors.

Toutes les catégories d’armements sont fabriquées dans la région, par exemple, les armes légères et les mitrailleuses Mle 1907 à Saint-Etienne, les mitrailleuses Hotchkiss à Monplaisir (les 2/3 des 45 000 mitrailleuses produites entre fin 1915 et l’Armistice), les canons de tous calibres à Saint-Chamond et au Creusot, des affûts, avant-trains et caissons de 75 à Givors. A Saint-Etienne, la Manufacture nationale développe au maximum ses fabrications ; outre les armes d’infanterie dont elle a la spécialité, elle produit des avant trains de canons de 75/97, des obus de 75 et des appareils téléphoniques de campagne. C’est ainsi que 1 481 000 fusils 07/15 y sont fabriqués d’avril 1915 à l’Armistice et, avec l’aide de la manufacture de Châtellerault, près de 40 000 mitrailleuses Mle 1907, auxquelles s’ajoute la réception de mitrailleuses anglaises et américaines.

Les usines métallurgiques de Saint-Chamond, Lorette et Rive-de-Gier intensifient la fabrication de matériels d’artillerie de tous calibres pour la Marine, de tourelles marines et terrestres, de tôles et plaques de blindage et des pièces les plus diverses pour la construction navale, sous-marine, automobile, ferroviaire et bientôt aéronautique.

Les nombreuses usines chimiques (à Saint-Fons, Roussillon, Pont-de-Claix...), produisent tous les composants nécessaires à la fabrication des explosifs militaires, en remplacement des approvisionnements traditionnels des arsenaux et du Service des Poudres, fournis avant-guerre par les usines du Nord et l’Est, passées aux mains de l’ennemi. En 1917, près de 80 % de la production française sont issus des usines régionales.

Les camions de la Voie sacrée

Pendant les dix mois que dure la bataille de Verdun (21 février - 15 décembre 1916), le sort des défenseurs du « Saillant » est directement lié à l’entretien et au fonctionnement de la mémorable Voie sacrée qui relie Bar-le-Duc à la place forte. En pleine bataille, les tonnages logistiques journaliers varient de 8 à 10 000 dont seulement 800 t/j peuvent être acheminées par la voie ferrée métrique existante. L’essentiel est donc assuré par une noria continue de 3 500 camions, répartis en 42 groupes de transport, qui sillonnent jour et nuit dans les deux sens, à la vitesse obligatoire de 15 km/h, les 67 kilomètres de cette départementale sinueuse, au revêtement incertain, constamment entretenus par 10 000 territoriaux.

Ces camions de la Voie sacrée transportent chaque semaine 90 000 hommes et 50 000 tonnes de matériel. Près de la moitié d’entre eux sont des modèles CBA de Berliet, dont la cadence quotidienne de production atteint la quarantaine, mais on y trouve aussi ceux de Cottin-Desgouttes, La Buire, Luc Court, Rochet Schneider, Baron Vialle, Vermorel, tous implantés dans la région, ainsi que Renault et Latil, venus d’autres régions de France. S’y ajoutent quotidiennement les mouvements de 800 ambulances, 200 autobus, 500 tracteurs d’artillerie, 2 000 véhicules de liaison.

2 millions de tonnes et 4 millions de combattants sont ainsi transportés pendant les dix mois de la bataille.

Les armes nouvelles

Après l’attaque allemande au chlore d’avril 1915 en Belgique et sous la pression du gouvernement, Edmond Gillet fédère un certain nombre d’industriels lyonnais pour créer à partir d’août 1915 une usine de production de chlore par électrolyse de sel marin à Pont-de-Claix. Dès 1916, cette nouvelle unité produit du chlore, du chlorure de chaux, des fumigènes à base de phosgène. C’est l’usine de Saint-Fons de la Société des Usines du Rhône qui trouve rapidement un procédé de fabrication de l’ypérite et en lance la production à Roussillon en avril 1918. Celle-ci atteint 20 tonnes / jour en octobre. Les usines de Roussillon et de Saint-Fons sont citées à l’Ordre de la Nation par Clemenceau le 4 août 1918.

A partir de 1917, surtout après l’engagement, le 16 avril, des premiers chars d’assaut français à Berry-au-Bac (Aisne), une nouvelle production de guerre est lancée dans la région, mettant en concurrence les chars Saint-Chamond et Schneider. De son côté, Berliet fabrique 1 000 chars Renault FT à Vénissieux entre la fin de 1917 et l’Armistice. Les tourelles sont fabriquées par les aciéries d’Ugine.

Et les télécommunications aussi

Sur le terrain militaire de la Doua est entreprise, entre fin juillet et le 29 septembre 1914, la construction d’un impressionnant émetteur permettant les liaisons radio à longue distance avec nos Alliés, notamment la Russie. Il est constitué de 8 pylônes de 120 mètres de hauteur et de 13 câbles de 750 mètres de longueur.

A partir de novembre 1915, l’usine Grammont de Caluire-et-Cuire invente et produit la lampe radio dite TM (Télégraphie Militaire) Cette lampe est ensuite fabriquée par la Compagnie des Lampes à Paris et 100 000 exemplaires sont livrés en 1916. En 1918, la production des deux usines atteint 1 000 lampes/jour. Grâce à ces lampes et à leurs perfectionnements successifs la télégraphie française surpasse dès 1917 son équivalente allemande. Les TM sont adoptées par nos alliés et par les Américains.

L’appel à la main d’œuvre étrangère

Pour faire tourner toutes ces usines avec une intensité accrue, se pose immédiatement un grave problème de main d’œuvre alors que l’application généralisée des plans de mobilisation prive les entreprises de personnels qualifiés. Dans les derniers mois de 1914, il faut donc ramener du front, en affectés spéciaux, une proportion significative d’entre eux pour assumer les tâches de haute spécialisation.

Au 1er septembre 1918, au niveau national, 15 500 entreprises privées et 10 établissements publics travaillent aux fabrications d’armement. Le personnel comprend 494 000 mobilisés retirés du front, 425 000 ouvriers, 426 000 femmes, 133 000 jeunes, 61 000 « coloniaux » (Africains, Indochinois...), 110 000 étrangers (Espagnols, Grecs, Arméniens, Portugais...) et 40 000 prisonniers allemands. Globalement, les usines de la région lyonnaise utilisent un tiers de ces différentes catégories de travailleurs.

Par ailleurs, la présence des femmes dans les usines est essentielle. En pleine guerre, le Maréchal Joffre a pour elles cet hommage appuyé : « Si les femmes qui travaillent dans les usines s’arrêtaient vingt minutes, les Alliés perdraient la guerre. ».

L’essor de l’aéronautique en région lyonnaise

L’aérodrome de Bron existait avant le déclenchement du conflit. Des pionniers de l’aviation y développaient leurs activités.

En août 1914, plusieurs escadrilles créées sur place s’envolent pour le Front, mais Bron continue à former des équipages, des mécaniciens, à expérimenter de nouveaux appareils, à étudier les nouveaux procédés de combats aériens.

Cette expérience de la troisième dimension donne naissance dès les premiers mois de guerre à une industrie aéronautique lyonnaise concentrée initialement dans l’est de la ville. Lyon devient le centre le plus important pour la fabrication des moteurs d’avion avec Gnome et Rhône qui équipe progressivement la plupart des armées alliées avec le moteur rotatif à 14 cylindres de 160 cv. Les départements Moteurs de Renault et Salmson s’installent également à Lyon où ils produisent tous types de moteurs jusqu’à 300 cv à partir de 1917, puis 400 cv en 1918. Zénith, chemin Feuillat, fabrique des carburateurs, dynamos, alternateurs, démarreurs.

L’ensemble des usines françaises produit 95 000 moteurs d’avion dont la grande majorité est fournie par Lyon et sa région. Enfin Caudron, Farman et Lieutord, installés à Lyon, sortent chasseurs et bombardiers en grand nombre.

Une France agricole mais sans bras

Il faut aussi nourrir des millions de combattants français et alliés engagés sur le sol national, auxquels s’ajoutent progressivement plusieurs centaines de milliers de prisonniers ennemis et de travailleurs étrangers, alors que les bras manquent dans les exploitations. La production agricole doit donc s’adapter aux besoins nouveaux des armées.

Certes, dans l’Europe de 1914, la France (39 millions d’habitants) est la première puissance agricole par les superficies cultivées (6 millions d’hectares contre 2 en Allemagne et 0,771 en Grande-Bretagne) et par les récoltes de blé (77 millions de quintaux contre 40 en Allemagne et 17 en Grande-Bretagne). Mais comment labourer, semer, cercler, moissonner, transporter, pendant l’absence de tous les hommes valides, alors que les chevaux, seuls moyens de traction et de transport de ce monde rural sans tracteurs agricoles, sont en quasi-totalité réquisitionnés pour les besoins des armées, principalement de l’artillerie ?

A Ambronay en 1916, l’établissement du Commissariat de l’Armée de Terre crée une « station-magasin » pour le ravitaillement en vivres des troupes engagées sur le front de l’Est et du Nord. Ce complexe de réception, stockage et production qui rassemble 3 000 ouvriers fournit toute la gamme des denrées alimentaires, depuis le pain jusqu’aux fromages, en passant par les fruits et légumes et les viandes. Par exemple, 200 boulangers se relayent nuit et jour devant 96 fours fixes pour que leurs boules de pain prennent quotidiennement la direction du Front.

Le choix de ce site n’est pas le fruit du hasard. Il s’explique par les atouts exceptionnels de la région d’Ambérieu : la production céréalière et laitière, les variétés de l’élevage, les ressources en bois de chauffage, ainsi que l’importance de l’infrastructure ferroviaire.

Dans l’agriculture, davantage que dans l’industrie en raison des structures familiales et morcelées des exploitations, les femmes, aidées des personnes âgées et de leurs enfants assurent l’essentiel de la main d’œuvre.

Les hôpitaux de l’Arrière

En raison de ses longues traditions hospitalières, de la richesse de ses infrastructures d’accueil, de la qualité de ses personnels médicaux, la ville de Lyon, opportunément placée sur l’axe d’évacuation privilégié des chemins de fer PLM, joue un rôle considérable dans le traitement des grands blessés de guerre.

Dès la 2e quinzaine d’août 1914, les premiers convois sanitaires parviennent en gare de Lyon-Vaise (750 blessés entre le 21 et le 24) et à la gare de triage de la Part-Dieu, jouxtant les casernes, qui réceptionne son premier train le 25. Cette dernière gare est supprimée au profit de celle des Brotteaux à partir de novembre 1915. Quant à celle de Perrache, affectée au transit, elle n’a qu’un poste de secours et une cantine.

Devant l’afflux des blessés, il faut trier, répartir, ajouter aux grands hôpitaux de l’époque (Hôtel-Dieu, la Croix-Rousse, Desgenettes, l’Antiquaille) des hôpitaux annexes (Salle Rameau, 110 lits, Palais de la Bourse, 120 lits) et complémentaires un peu partout dans la ville, puis plus loin et plus décentralisés. C’est l’œuvre organisatrice des Hospices Civils de Lyon (HCL) en l’absence des médecins militaires, partis au Front, de l’Hôpital Desgenettes, à l’époque sur les quais du Rhône.

Mais l’arrivée des blessés s’accélère et le comité de Lyon de la Croix Rouge et sa Société de Secours aux Blessés militaires (SSBM) apportent massivement leur concours en ouvrant progressivement jusqu’à une quarantaine d’hôpitaux auxiliaires, partout où des locaux d’une certaine importance peuvent être rendus disponibles et aménagés : dans les groupes scolaires (lycée du Parc, prévu pour être ouvert à la rentrée 1914), les institutions religieuses et privées, les hôtels, les casinos, les établissements de cure thermale. Au total, pendant les quatre années de guerre 72 800 blessés mais aussi de très nombreux malades sont hospitalisés à la SSBM de Lyon.

Car, ce que l’on sait moins, il faut affronter de graves épidémies. Le typhus au début de la guerre et surtout la tuberculose pendant toute la durée du conflit, souvent contractés dans les tranchées, font à l’époque des ravages. Certains hôpitaux auxiliaires comme celui de Saint-Genis-Laval (400 lits) sont spécialisés dans le traitement des tuberculeux. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, il faut encore faire face en 1918 au déferlement en France de la grippe espagnole sur l’ensemble de la population.

La maladie entraîne en région lyonnaise plus d’hospitalisation que les blessures de guerre et la grande majorité des décès militaires.

Lyon acquière aussi une grande réputation dans la chirurgie maxillo-faciale et le traitement de ceux que l’on a appelé par la suite les « Gueules cassées », par exemple au Quai Jaÿr avec les docteurs Albéric Pont et Etienne Rollet, ainsi que dans l’appareillage des mutilés, notamment des blessés des membres inférieurs, par exemple à l’hospice de la Charité.

A la fin de la guerre, en totalisant plus de 7 000 lits, Lyon est devenue le 2e centre de traitement des blessés de l’Arrière, derrière Paris et devant Bordeaux et Marseille.

L’œuvre humanitaire ou les femmes en guerre

Mais, à côté du soulagement de la souffrance physique, de nombreuses initiatives publiques et privées, dont il est impossible d’établir la liste complète tant elles sont le plus souvent discrètes et anonymes, voient le jour aussi bien au fond des campagnes de la région lyonnaise qu’en milieu urbain.

En liaison avec celle de la Croix Rouge et de ses sociétés, l’Association des Dames Françaises (ADF) et l’Union des Femmes de France (UFF), l’œuvre des Ouvroirs est l’une des principales et des plus originales. Organisée en multiples ramifications, elle se développe rapidement grâce à de puissants contacts relationnels et se spécialisa dans la collecte et la confection de vêtements de toute nature, l’équipement des hôpitaux, leur alimentation en linge blanc et en couverture.

De nombreuses associations viennent en aide aux aveugles (association Valentin Haüy), aux orphelins, aux veuves, aux réfugiés des provinces occupées, aux étrangers.

La « Maman des Poilus »

Dans ce domaine humanitaire, les initiatives individuelles sont multiples. A titre d’exemple convient-il d’évoquer l’œuvre de Clotilde BIZOLON (1871 - 1940) qui tient une petite mercerie cordonnerie proche de la gare de Perrache et, comme bien d’autres mamans, voit partir en août 1914 son fils unique de 23 ans. En communion avec Georges, elle ouvre à la gare un comptoir où elle distribue inlassablement ses boissons chaudes aux nombreux Poilus en transit. Le lieu devient vite populaire et cette femme encore belle de 45 ans est appelée la « Mère Bizolon ». Après bien d’autres mères, on lui apprend en mars 1915 la mort au Champ d’Honneur de son fils. La mercière redouble d’ardeur et on l’appelle alors, tout simplement, la « Maman des Poilus ». En 1925, elle est faite Chevalier de la Légion d’Honneur.

Triste destinée que celle de cette femme admirable qui, en septembre 1939, reprend tout naturellement son service de boissons chaudes à la gare de Perrache où transite une nouvelle génération de Poilus, alors que 21 ans plus tôt on célébrait la Der des Ders. La « Maman des Poilus » a pris des rides mais son dévouement reste intact et dont profitent aussi toutes sortes d’individus. C’est l’un d’eux qui, pour la voler, la blesse mortellement le 29 février 1940. Elle s’éteint trois jours plus tard.

Magnifique exemple de dévouement et de sacrifice des femmes françaises, d’affirmation aussi de leur détermination et de leur place grandissante dans la société nationale, acquise aux heures les plus sombres.

Si les images qui sont montrés le plus souvent à l’occasion de la célébration de l’Armistice de 1918, sont celles des tranchées et des souffrances des Poilus, il ne semble pas que les médias accordent à la vie quotidienne de l’arrière toute l’importance qu’elle mérite.

Or, la victoire finale est aussi, sans contestation possible, celle de l’Arrière. « Pourvu qu’ils tiennent », disait-on. Et ils ont tenu, malgré toutes les épreuves accumulées pendant les quatre années et 3 mois d’une guerre interminable : les séparations familiales, l’absence de nouvelles, l’angoisse permanente, les privations, la misère souvent et hélas ! le deuil car, avec 1400 000 morts, la Grande Guerre a frappé toutes les familles françaises.

L’Armistice enfin signé, il a fallu remettre debout une France exsangue et lentement la reconstruire.

Il a fallu aussi organiser le Souvenir. C’est depuis les années 20, la fonction dévolue à nos monuments aux morts, les relais de la Mémoire, présents au cœur de toutes les villes et des villages de France. 

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