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La première guerre du Golfe - Opération DAGUET

Mémoire

LES ORIGINES DE LA 1ère GUERRE DU GOLFE

L’Irak n’a jamais voulu reconnaître l’indépendance du Koweit obtenue en 1961, estimant que cet émirat faisait partie intégrante de son territoire (dans l’empire ottoman le Koweit appartenait au « vilayet » [1] de Bassora). Il faut aussi ajouter à ce refus des problèmes concernant l’exploitation de champs pétrolifères par le Koweit . Le Raïs [2] d’Irak Saddam Hussein provoqua alors une crise au Moyen-Orient au sujet de cette exploitation qu’il estimait illégale (puits de Roumallah à la frontière des deux pays) et réclama au Koweit une importante compensation financière pour ce pétrole « volé » à l’Irak. Tout en déclarant qu’il n’avait pas l’intention d’attaquer le Koweit, il rejeta la proposition de ce dernier de réunir une commission arabe pour régler le conflit et massa des troupes à la frontière. Le 2 août 1990 à 2 heures (heure locale) les soldats irakiens pénétrèrent dans l’émirat.

Le conseil de sécurité de l’ONU exigea le retrait immédiat et inconditionnel des troupes irakiennes. Saddam Hussein annonça alors la formation d’un gouvernement koweitien provisoire. Le 8 août débutait l’opération « Bouclier du désert » avec le déploiement de forces américaines en Arabie Saoudite. Saddam Hussein y répondit en appelant à la « Djihad » les pays musulmans pour protéger les Lieux Saints de l’occupation des infidèles. Le conseil de sécurité de l’ONU ayant autorisé l’emploi de la force pour faire respecter ses décisions par l’Irak, le Raïs contre attaquait en annonçant que le Koweit devenait la 19e province de l’Irak, ce qui était purement et simplement une annexion.

Les locaux de l’ambassade de France à Bagdad ayant été envahis par la populace irakienne en même temps que ceux d’autres ambassades occidentales, le Président de la République Mitterand réagit avec fermeté et chargea le général Schmitt, chef d’état-major des armées, de « projeter » en Arabie Saoudite une force de 4.000 hommes. C’est ainsi que débutait l’opération « Daguet » avec la présence de soldats français [3] dans la force multinationale d’une coalition anti-irakienne de 28 pays dont certains participèrent plus ou moins à l’opération « Tempête du désert » déclenchée le 17 janvier 1991. Car malgré l’injonction du conseil de sécurité de l’ONU, les troupes irakiennes devant évacuer le Koweit avant le 15 janvier étaient toujours présentes dans l’émirat.

(NDLR)

Le général Derville, auteur de l’article suivant, a commandé le 2e Régiment Etranger d’Infanterie pendant la guerre du Golfe. En tant que chef de bataillon, il avait appartenu au cabinet du gouverneur militaire de Lyon .

DAGUET, nom du jeune cerf, fut choisi par un haut responsable des armées qui avait dû consulter les pages du Larousse pour donner un nom de baptême à cette opération à jamais inscrite dans la mémoire collective.

DAGUET, ou la projection en quelques jours, par air et surtout par mer, d’une poignée d’hommes (3.200) au milieu du désert au point de jonction des « trois frontières » - Irak, Arabie Saoudite et Koweit - conformément au croquis que dessina sur un coin de nappe en papier le Président de la République en personne d’alors.

Point de jonction des " trois frontières"

UNE MISE EN PLACE RAPIDE

Fin septembre 1990, au lendemain d’une mobilisation réalisée en un temps record, une petite flottille de car-ferries et de rouliers [4] bondés d’hommes et de matériels traversait la Méditerranée, passait le canal de Suez et débarquait début octobre sans encombre au port de Yanbu en Arabie Saoudite, gigantesque terminal pétrolier situé sur la mer Rouge. Tout n’est que démesure dans ce pays : la température, la dimension des hangars où nous passons quelques jours et l’unique route qui mène, après 1.200 kilomètres de parcours en terrain désertique, à Hafar-al- Batin , gros bourg proche du point de rencontre des « trois frontières ».

Vers Hafar-al-Batin et les "trois frontières" (Collections général Derville)

LE DESERT DES TARTARES

Le 5 octobre 1990, installés trente kilomètres à l’ouest d’Al-Batin, nous avons reçu du général Mouscardés, commandant la division, la mission d’arrêter l’attaque imminente d’une division irakienne dans notre secteur. Après 25 jours de tension et d’attente, sous menace chimique, une division syrienne nous relevait. Nous nous réinstallions trente kilomètres plus au sud, avec la même mission, mais en deuxième échelon.

Les jours passaient et mi-novembre, l’armée irakienne n’avait toujours pas attaqué. Dès lors nous avons pris le parti de vivre presque « normalement ». Tout en conservant une solide posture de guerre, la priorité était à nouveau donnée aux activités d’instruction et d’entraînement. Ce rythme de vie retrouvé permettait d’alterner travail et repos sous menace chimique insidieuse et permanente. Ainsi l’alerte « Scud » [5] du 2 décembre 1990 ne fut plus un exercice, mais une réalité. L’instruction avait porté ses fruits, car les réactions furent rassurantes. Toutefois nous venions de franchir un nouveau palier. Fin décembre les premiers renforts de la division arrivaient. Nous les avons accueilli au mieux, dans un contexte de menace chimique qui ne facilitait pas la tâche. Mi-janvier nous avons senti approcher le dénouement et avons cessé toute activité d’instruction. 

Tension et attente (Collection général Derville)

LE PREMIER PAS

Dans la nuit du 16 au 17 janvier 1991, les alliés lançaient une formidable attaque aérienne. Débutait alors dans le même temps le mouvement de notre division d’environ 300 kilomètres vers le nord-ouest. Nous étions chargés de la flanc-garde du 18e corps d’armée américain sous l’autorité duquel nous venions d’être placés.

Fin janvier, nous étions à pied d’œuvre sur de nouvelles positions à quelques encablures de l’Irak dont nous scrutions chaque jour les premiers reliefs. Jusqu’au 24 février, nous avons préparé et répété l’attaque, rejouant inlassablement les différents scénarii auxquels nous aurions pu être confrontés ! Entre-temps, les Français avaient pris conscience des enjeux et du danger qu’allaient sans doute courir ses soldats et nous entouraient de mille sollicitudes : courriers chaleureux et colis somptueux arrivaient en grande quantité.

Devant l'Irak (Collection général Derville)

L’ATTAQUE FINALE

Nous sommes passés à l’attaque le 24 février à 5 heures sous les ordres du général Janvier qui, depuis le 9 février, avait succédé au général Mouscardès. Au terme d’une « chevauchée fantastique » de 36 heures, nous avons coiffé tous nos objectifs, après avoir anéanti une division irakienne, déjà amoindrie par un mois de bombardements incessants . Nous avons déploré, hélas, deux morts et plus de vingt blessés.

Le 28 février, le cessez-le-feu était signé.

Un des objectifs du 2e R.E.I (Collections général Derville)
La conquête de l'aérodrome d'As Salman par la division Daguet

LE RETOUR TRIOMPHAL

Le succès de l’offensive est immense et met en liesse les populations des forces de l’alliance. Notre pays a réservé un accueil triomphal aux premiers soldats qui ont débarqué à Toulon en mars 1991, puis aux régiments lorsqu’ils ont rejoint tour à tour leur garnison. Les plus chanceux d’entre nous ont participé le 10 juin à New-York à la grande parade de 24.000 hommes sur la cinquième avenue.

Retour à Toulon (Collections général Derville)

L’HEURE DES ENSEIGNEMENTS

Daguet a représenté un événement exceptionnel pour notre armée de terre qui n’avait pas, depuis bien longtemps, mis en place et soutenu une force de 12.000 hommes pendant des mois sur un théâtre d’opération extérieur. Tout avait été mis en œuvre pour que l’offensive finale puisse se dérouler dans les meilleures conditions et pour pallier les insuffisances de notre système. C’est au regard d’un constat sans complaisance sur nos forces et faiblesses que sera élaboré le futur schéma de l’armée de terre et que seront définies ses capacités essentielles. La mission reçue fut remplie au-delà de toute espérance. La chance d’abord, un entraînement intensif ensuite et enfin une formidable préparation du terrain réalisée par la troisième dimension alliée (bombardements) ont permis d’économiser un maximum de vies et de remporter une victoire éclair et éclatante.

EN GUISE DE CONCLUSION

Un grand merci à tous ceux qui, n’ayant pas eu la chance d’être des acteurs de terrain, avaient eu par leur sens du devoir, leur dévouement et leur abnégation contribué à faire de l’épopée Daguet une page de gloire de l’histoire de notre armée de terre.

Soldats dans le désert Opération Daguet

NOTES:

[1] Vilayet, division administrative dans l’ancien empire ottoman, circonscription gouvernée par un « vali »

[2] Raïs, chef d’Etat dans les pays arabes

[3] Principales formations de la division Daguet : Etat-major de la 6e division légère blindée, 1er 3e et 5e régiments d’hélicoptères de combat, 1er régiment d’infanterie (2compagnies), 1er régiment de spahis, 1er régiment étranger de cavalerie, 4e régiment de dragons (3 escadrons d’AMX30), 2e régiment étranger d’infanterie renforcé d’une compagnie du 21e régiment d’infanterie de marine, un régiment mixte formé d’unités du 3e régiment d’infanterie de marine et du régiment d’infanterie et de chars de marine, du 2e régiment d’infanterie de marine, 6e (actuellement 1er ) régiment étranger de génie, 11e régiment d’artillerie de marine, 3 sections Mistral du 35e régiment d’artillerie parachutiste, des éléments du 1er régiment d’infanterie parachutiste de marine.

[4] Les rouliers dénommés aussi Ro-Ro sont des bateaux utilisés pour transporter des véhicules, lesquels sont embarqués et débarqués par une ou plusieurs rampes mobiles.

[5] Le SCUD est un missile balistique à courte portée d’origine de l’ancienne URSS et datant des année 50. Il a été aussi fabriqué en Irak. Il pouvait être utilisé avec une charge explosive, une charge chimique ou une charge nucléaire .

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