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L’HISTOIRE D’UNE DECORATION

Mémoire

L’HISTOIRE D’UNE DECORATION

LES TCHÈQUES ET LES SLOVAQUES DANS LE 1ER CONFLIT MONDIAL

La première médaille révolutionnaire tchécoslovaque date de 1918. Elle était en bronze, d’une largeur de 44 mm et de 47 mm de hauteur avec une croix dans une couronne. Sur l’avers il y avait un cheval ailé avec un cavalier tenant un étendard et la couronne portait l’inscription « VZHURU NA-STRAZ SVOBODNY NA’RODE » [1]. Sur son revers une femme ailée tenant au-dessus de sa tête l’inscription « ZA SVOBODU » [2] et sur la couronne l’inscription « 1914 1918 ». Le ruban était rouge avec une rayure verticale blanche au centre, laquelle avait un liseré bleu de chaque côté. Les agrafes suivantes pouvaient être fixées sur ce ruban :

« L E » pour Légion étrangère et « C D » pour Ceska Druzina (unité de volontaires tchécoslovaque créée par la Russie),
« Zborov », « Bachmac », « Sibir » pour les régiments tchécoslovaques ayant combattu en Russie,
« Alsace », « Argonny », « Peronne » pour ceux ayant combattu en France,
« Dossalto », « Piave » pour ceux ayant combattu en Italie,
« S » pour ceux ayant combattu en Serbie.

En outre les numéros suivants désignaient le pays où avaient été mis sur pied les Régiments de chasseurs tchécoslovaques :

De 1 à 12 la Russie, de 21 à 24 la France, de 31 à 35 et 39 l’Italie.

En voyant ci-dessus la médaille révolutionnaire tchécoslovaque de la guerre de 1914-1918, on peut imaginer le parcours de celui à qui elle fut décernée. Lorsque la Grande Guerre éclata, de nombreux Tchèques et Slovaques avaient émigré en France pour fuir la domination de l’empire austro-hongrois. Le 9 août 1914, les organisations tchécoslovaques de France décidèrent que tous leurs membres aptes s’engageraient dans l’armée française, la guerre ayant fait naître des espoirs chez les partisans de l’indépendance. Mais étant étrangers, ces volontaires ne pouvaient servir que dans les rangs de la Légion étrangère.

Le 14 septembre 1914, le ministre français de la guerre accepta la formation d’une unité de volontaires tchèques au sein de la Légion étrangère. C’est donc un premier groupe d’environ 250 engagés pour la durée de la guerre qui rejoignit la 1ère compagnie du bataillon C du 2e Régiment de marche du 1er Etranger à Bayonne pour une période d’instruction. Leur compagnie s’appela compagnie Nazdar (le mot tchéque Nazdar pourrait se traduire par "Salut à notre succès") et ils reçurent même un fanion offert par les Bayonnaises. Rappelant les erreurs de la vieille Légion de 1831, le bataillon C avait regroupé les nationalités par compagnies et il fallut attendre 1915 pour rétablir l’amalgame.

Le 23 octobre, ce bataillon partit pour le front de Champagne avec le 2e Régiment de marche rattaché à la division marocaine. Le 11 décembre , le premier légionnaire tchèque était tué. ( son corps sera exhumé en 1933 pour être déposé au musée de la Libération à Prague).
Le 9 mai 1915, la division attaqua en Artois et le lieutenant Dostal Vaclav fut tué. Après onze heures de lutte ,la Légion dut se replier et les compagnies du bataillon C ayant subi de lourdes pertes furent fondues ensemble, rétablissant malgré elles l’amalgame entre les nationalités. Les rares survivants de la compagnie Nazdar rejoignirent début 1918 le noyau de la future armée tchécoslovaque.

Le volontaire tchécoslovaque, décoré de cette médaille avait du appartenir à la compagnie Nazdar, car le ruban de sa décoration porte l’agrafe « L E » qui indique qu’il a d’abord servi dans les rangs de la Légion étrangère.

En septembre 1915, Tomas Masaryk, chef du mouvement anti-autrichien et futur président de la République tchécoslovaque, rencontra le Président du Conseil Aristide Briand, grâce au futur général Milan Stéfanic [3], d’origine slovaque, qui s’était engagé dans l’armée de l’air française en 1914 et fut blessé en 1915 (spécialiste de l’aviation ayant amélioré la météorologie militaire, docteur es sciences, mathématicien et astronome).
Les Alliés ayant accepté la création d’une République tchécoslovaque après le démembrement de l’empire austro-hongrois, le gouvernement français autorisa le 16 décembre 1917 par décret présidentiel la formation d’une armée tchécoslovaque subordonnée au commandement allié avec un encadrement français. Le commandant puis général Milan Stéfanic fut chargé officiellement d’organiser le recrutement de volontaires tchécoslovaques, il se rendit pour cela aux Etats-Unis, en Roumanie, en Sibérie et en Italie. En France, le 21e Régiment de chasseurs tchécoslovaques fut créé en janvier 1918 à Cognac avec les survivants de la compagnie Nazar et des engagés volontaires. Il fut suivi du 23e RCT, le 22e RCT étant mis sur pied à Jarnac.
Les 21e et 22e RCT formèrent la brigade tchécoslovaque d’environ 7 000 hommes aux ordres du colonel Philippe. Les chefs de corps étaient les lieutenants-colonels Gillain et Gardan, sur les 6 chefs de bataillon, un seul était tchécoslovaque.

Les agrafes « 22 », « ARGONNY » et « PERONNE » placées sur le ruban de la médaille prouvent que son détenteur, après avoir appartenu à la compagnie Nazdar de la Légion étrangère, a servi au 22e Régiment de chasseurs tchécoslovaques et qu’il a participé aux combats de Péronne et de l’Argonne. La feuille de tilleul y figurant représenterait une citation à l’ordre de la brigade.

Les volontaires tchécoslovaques reçurent leur drapeau national à Darney dans les Vosges. Par sa belle conduite au feu, la brigade tchécoslovaque fut citée à l’ordre de l’armée. [4] Le 14 juillet 1919, les soldats tchécoslovaques défilèrent à Paris sous l’Arc de Triomphe aux côtés des Alliés.

Médaille créée en 1948 pour commémorer la remise de leur drapeau aux soldats de la brigade tchécoslovaque à Darney dans les Vosges le 30 juin 1918 par le Président Poincaré, Président de la République française.

En 1948, pour célébrer le 30e anniversaire de la création des régiments tchécoslovaques, le gouvernement de Prague d’alors fit réaliser pour chacun de ces régiments une médaille commémorative avec le nom du principal combat où chacun d’eux s’illustra. En France pour le 21e RCT ce fut le village de Terron dans les Ardennes où il s’illustra et l’Argonne pour le 22e RCT. Le ruban de ces deux décorations étaient aux couleurs de la Tchécoslovaquie et de la Croix de Guerre française de 1914-1918.

A leur retour en Tchécoslovaquie, les régiments de chasseurs tchécoslovaques furent dissous et le nom de « Légion » a été donné à l’armée autonome. Ce fut peut-être en souvenir de la compagnie Nazdar du 2ème Régiment de marche du 1er Etranger.

Bibliographie :

MINISTERE DE LA DEFENSE
Les chemins de la mémoire
Les Tchécoslovaques en France. 1914-1918

SERVICE HISTORIQUE DE L’ARMEE DE TERRE
Cahier Spécial 1918
Fin de la Grande Guerre

L’ILLUSTRATION 1914-1918

Ludvik SUKENIK et Vlastislav NOVOTNY
CESKOSLOVENSKA VYZNAMENANI

Notes:

[1] Traduction : « Gardez-vous,nations libres ».

[2] Traduction : « Pour la liberté ».

[3] Le 28 octobre 1918, la Tchécoslovaquie étant devenue indépendante , Milan Stéfanic a été ministre de la guerre du jeune gouvernement. Le 4 mai 1919, alors qu’il était en Italie et ayant du rejoindre d’urgence son pays en raison de l’avance de l’armée rouge hongroise, il se tua dans l’accident de son avion qui s’écrasa près de Bratislava. Il ne put ainsi participer au défilé de la victoire et son corps repose dans le mausolée de Bradlo depuis 1928.
Lors de ses obsèques, le maréchal FOCH déclara : « C’était un cœur rare, une âme noble, un esprit extraordinaire, il mérite la reconnaissance de l’humanité entière ».

[4] Citation à l’ordre de l’armée de la brigade tchécoslovaque.
« Ardents à l’attaque, acharnés dans la défensive, impassibles sous les feux d’artillerie les plus violents, ses régiments ont parfaitement rempli toutes les missions qui leur ont été confiées et donné toute satisfaction aux gradés qui ont eu à les employer ». Signé : général Gouraud. 

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