Pour adresser une demande à la Farac, cliquez sur le bouton ci-dessous pour envoyer votre message.

Les pipers en Algérie

Mémoire

Les avions légers d’observation de l’Armée de Terre désignés par l’usage sous le terme de "Piper" [1], quels que soient leurs constructeurs (Piper, Cesna, Nord-Aviation) connaissent une activité intense pendant la guerre d’Algérie.

UNE ORGANISATION OPÉRATIONNELLE OMNIPRÉSENTE

Dans le cadre du Groupe d’Aviation d’Observation d’Artillerie N° 3 (GAOA3) de SETIF devenu par la suite GALAT 3 de CHERAGAS près d’ALGER, mais aussi et surtout progressivement au sein de Pelotons Avions (1956) et de Pelotons-Mixtes Avions et Hélicoptères (1959), ces avions sont partout présents sur l’ensemble du théâtre d’opérations, y compris au Sahara.

L’Aviation Légère de l’Armée de Terre (ALAT) est créée le 22 Novembre 1954, se substituant à l ’ALOA (Aviation Légère d’Observation d’Artillerie), donnant ainsi une dimension interarmes aux unités aériennes des forces terrestres.

Au début des années 60, l’ALAT totalise 9 pelotons avions et 17 pelotons mixtes avions et hélicoptères. Chaque zone du quadrillage territorial correspondant à une division d’infanterie dispose alors, au minimum, d’un peloton avions (PA) ou d’un peloton mixte. Au Sahara, sont implantés 2 pelotons dans la Zone Ouest Saharienne et 3 pelotons dans la Zone Est. A ces moyens s’ajoutent les pelotons des unités de réserve générale telles que la 10ème DP, la 25ème DP et la 7ème DMR (Division Mécanique Rapide).
Chaque peloton, aux ordres d’un capitaine, a un effectif d’environ 6 officiers (observateurs ou observateurs-pilotes), 15 sous-officiers (pilotes, mécaniciens, service général) et 30 militaires du rang. Ces chiffres s’élèvent à environ 8 officiers, 25 sous-officiers et 50 militaires du rang pour les pelotons mixtes.

LÉGERS ET RUSTIQUES

Les appareils sont des Piper L18, L21, des Cessna L19 et au Sahara des Nord 3400. Chaque peloton est doté de 8 avions. Les pelotons mixtes disposent en plus de 6 hélicoptères légers.

Les avions sont des monomoteurs à ailes hautes (pour observer vers le bas), à train fixe, relativement lents (de 140 à 200 km/h selon les types), disposant d’une autonomie moyenne de 4 heures, aptes à décoller et à se poser court sur des terrains sommairement aménagés.

Ils ont des postes radio de liaison Air-Air (VHF et de liaison Air-Sol (HF) pour la prise de contact avec la troupe appuyée (le fameux canal 16 bien connu !) puis pour la fréquence de travail. A bord, les équipages disposent de lance-messages lestés et surtout de grenades à fumigènes colorés pour le balisage des objectifs.

L’équipage type est composé d’un sous-officier pilote et d’un officier observateur ou observateur-pilote. C’est un duo très soudé.

DES PIPERS À TOUT FAIRE

Les missions des Pipers sont très variées : reconnaissance à vue, accompagnement de troupes, guidage chasse, liaisons de commandement, largage de courrier, surveillance d’itinéraires et accompagnement de convois, évacuations sanitaires, missions photos, largages de tracts... Cependant, en Algérie, les missions spécifiques à l’Artillerie sont rares (moins de 2 % du total), sauf aux frontières marocaines et tunisiennes le long des barrages électrifiés.

Sur les zones d’engagement, l’observateur ALAT dépend directement du commandant de l’opération. Il assure la sécurité et le suivi des troupes au sol. Il est en liaison avec l’Armée de l’Air, chargée de l’appui aérien (ref. Cite web-Musée de l’ALAT),.et de l’Aéronautique navale.

Les Pipers tiennent l’air longtemps en raison de leur autonomie et du jeu des relèves en vol au-dessus des zones d’action. C’est leur avantage irremplaçable. Toutefois, ils ne volent pas la nuit et sont parfois pénalisés par une météo défavorable. Les équipages ont une très bonne connaissance des secteurs dans lesquels ils sont engagés, des possibilités et des limites des troupes au sol et partant, de leurs attentes. Beaucoup d’officiers de l’ALAT ont une expérience vécue des opérations menées à pied et des observateurs, après un court stage, sont détachés des corps de troupes voisins. L’implantation des pelotons à proximité des PC des grandes unités de rattachement, en favorisant les contacts, est aussi un facteur de cohésion et d’efficacité certain.

Le nombre d’heures de vol réalisées est très important. Les équipages effectuent fréquemment 2 missions par jour, parfois trois. J’ai personnellement totalisé plus de 1000 heures de vols opérationnels en un peu plus de deux ans.

DES SERVICES RECONNUS

La grande utilité des Piper a été reconnue par tous. De nombreux auteurs l’ont mentionnée : le général BUIS, le général BIGEARD, Pierre MIQUEL, Jean POUGET, Pierre MONTAGNON, Patrick-Charles RENAUD. On pourrait, par exemple, emprunter cette phrase significative au Colonel LE MIRE, extraite de son Histoire Militaire de la Guerre d’Algérie :
« Quand l’avion d’observation est là, le fantassin ne se sent plus seul, il se fait plus hardi, craignant moins de tomber sur l’ennemi qui l’attend au coin du bois, le Piper saute allègrement les crêtes, le terrain lui révèle tous ses secrets, son regard fouille les rochers, déchiffre le maquis. Pour déjouer son observation, le rebelle se cloue au sol, se confondant avec le terrain. Alors, il arrive que l’ennemi se démasque pour allumer l’appareil. L’exercice n’est pas sans péril : les Pipers de BATNA ont été touchés 66 fois en un an ».

En 1959, les avions de l’ALAT ont été touchés 104 fois sur l’ensemble de l’Algérie (ref. doc SHAT). Sur quatorze officiers de mon stage observateur, douze ont rejoint les pelotons avions, et sur les douze, deux ont été tués en opérations : le lieutenant JAMOTTE en 1957 (PA de la 13ème DI, SIDI BEL ABBES) et le lieutenant DEBREAUX (PA de la 21ème DI, BATNA).

Qu’il me soit permis, ici, de leur rendre hommage.

Par le colonel (ER) Claude Lemarchand, Observateur-pilote en Algérie [2]

NOTES:
[1] Le Piper L 21. Constructeur : Piper (USA), moteur Lycoming 150 CV, autonomie moyenne 5 heures, vitesse de croisière 160 km/h. Biplace.

[2] Photographie Aerostories http://www.aerostories.org. 

  •  

  •